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1991 : fondation de LEGISPORT. 1996 : lancement du bulletin d'informations juridiques sportives LEGISPORT. Tout sur le droit du sport.

L’imposition des revenus perçus en France par des sportifs non-résidents

Lors de l’entretien, Me Michel PAUTOT (LEGISPORT) avec Monsieur le Professeur Pierre BELTRAME

Notre bulletin consacré à la fiscalité des clubs sportifs nous a valu du courrier. Des lecteurs ont souhaité que LEGISPORT s’intéresse à l’imposition des revenus perçus en France par des sportifs non-résidents. Monsieur Pierre BELTRAME, Professeur émérite d’Aix-Marseille Université, éminent spécialiste de finances publiques et fiscalité, auteur de nombreux ouvrages, répond une nouvelle fois à nos questions d’actualité fiscale.

En effet, les prestations sportives effectuées en France par des sportifs « non résidents » sont soumis à une retenue à la source de 15% opérée par l’organisateur de la manifestation sportive (article 182B I-d du Code Général de Impôts). Cet entretien a été publié dans le bulletin d’informations juridiques sportives LEGISPORT n°154 (mars-avril 2022).

Question : Monsieur le Professeur Pierre BELTRAME, quelle est la règle générale applicable ?

Réponse de Pierre BELTRAME : Les personnes non domiciliées en France sont assujetties, quelle que soit leur nationalité (y compris donc les Français non-résidents) à l’impôt sur le revenu en France pour leurs seuls revenus de source française. C’est le principe de l’obligation fiscale limitée qui s’oppose à celui de l’obligation fiscale illimitée qui s’applique aux résidents français lesquels sont soumis à l’impôt sur le revenu pour la totalité de leurs revenus de source française et étrangère.

En vertu de l’article 164 B du CGI sont considérées comme revenus de source française, toutes les sommes, y compris les salaires, correspondant à des prestations artistiques ou sportives, fournies ou utilisées en France.

Question : Toutefois, l’imposition en France des revenus de source française ne s’applique que sous réserve des conventions fiscales internationales conclues par la France ?

Réponse : Les rémunérations de source française des prestations artistiques ou sportives payées aux résidents des Etats liés à la France par une convention fiscale ne sont imposables en France que si la convention ne s’y oppose pas.

La plupart des conventions internationales comportent une clause ou un article spécifique concernant le régime fiscal applicable aux rémunérations perçues par des artistes ou des sportifs.  Cette clause attribue, en général, le droit d’imposer les revenus en cause à l’État sur le territoire duquel s’exerce l’activité, c’est-à-dire l’État de la source. Dans ce cas, les rémunérations des prestations fournies en France payées à un sportif résident de l’autre État, sont imposées suivant le droit fiscal français. Cependant, quelques conventions attribuent le droit d’imposer à l’État de résidence :  dans ce cas, ces revenus ne sont pas imposables en France.

Enfin, certaines conventions prévoient une disposition spéciale lorsque la rémunération des prestations fournies par un artiste ou un sportif est versée, non au prestataire lui-même mais à un tiers, par exemple à ce qu’on appelle une « société d’artistes » (société non résidente de France). Dans ce cas également, la rémunération correspondant à l’activité de l’artiste ou du sportif en France reste, en principe, imposable en France.

Question : En l’absence de convention fiscale internationale ou lorsque la convention confie le droit d’imposition à l’Etat de la source, que se passe-t-il ?

Réponse : Les rémunérations des prestations sportives fournies en France sont imposables, en tant que revenus de source française, suivant le droit fiscal interne français. L’imposition en France des rémunérations des sportifs non-résidents est régie par les articles 182 B et 197 A du CGI. C’est l’application du droit fiscal interne.

L’article 182 B du CGI soumet les rémunérations des sportifs non-résidents à une retenue à la source, tandis que l’article 197 A dispose que ces revenus sont imposables en principe dans les mêmes conditions que les revenus des personnes domiciliées en France, avec toutefois l’application d’un taux minimum d’imposition afin de tenir compte du fait que le barème progressif de l’impôt sur le revenu ne s’applique dans ce cas que sur un revenu partiel (revenu de source française) et non pas sur un revenu global comme pour les contribuables domiciliés en France.

Question : La retenue à la source (article 182 B du CGI) suscite-t-elle beaucoup d’interrogations quant à son application ?

Réponse : Sous réserve des conventions internationales relatives aux doubles impositions, une retenue à la source est applicable lorsque les trois conditions suivantes sont simultanément remplies :

-le débiteur des sommes concernées exerce une activité en France ;

-les sommes sont versées à un bénéficiaire (personne physique ou personne morale) relevant de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés et n’ayant pas en France d’installation professionnelle permanente ;

-ces sommes rémunèrent une activité indépendante déployée en France et entrant la catégorie des bénéfices non commerciaux. Il peut s’agir de droits d’auteur ou d’inventeur ou de la rémunération de prestations de toute nature et notamment des prestations sportives, fournies ou utilisées en France. Dans ce dernier cas, la retenue s’applique même si les prestations sportives sont rémunérées en salaires.

Question : Quels sont les taux de la retenue à la source ?

Réponse : Le taux normal de la retenue est en principe fixé à 26,5 %. Il devrait passer à 25 % en 2022. Toutefois, depuis 1990, il est ramené à 15 % pour les rémunérations des prestations sportives.

Cette retenue est applicable, au taux de 15 %, quelle que soit la qualification des rémunérations (revenus de professions non commerciales ou salaires). Quand la retenue de 15% porte sur des revenus salariaux, elle se substitue à la retenue sur les salaires prévue à l’article 182 A du CGI.

Enfin, pour que la retenue soit exigible, il faut que la prestation sportive soit fournie (c’est-à-dire matériellement exécutée) en France ou, dans le cas contraire, effectivement utilisée en France.

La retenue à la source de 15% n’est pas libératoire de l’impôt sur le revenu dû par le contribuable non-résident, mais elle s’impute sur le montant de cet impôt.

Si la partie versante de la rémunération prend à sa charge le paiement de la retenue à la source, cela constitue un avantage supplémentaire lui-même imposable (CE, 13 mars 1996, n°148038 et 165436). Par suite, le débiteur qui prend en charge la retenue à la source de 15% doit verser au service des impôts les 15/85èmes  soit 17,6 % de la somme effectivement payée au bénéficiaire.

Le taux de la retenue peut être porté à 75 % lorsque les sommes en cause sont payées à des personnes domiciliées ou établies dans un État ou territoire non coopératif (paradis fiscal), sauf si le débiteur apporte la preuve que ces sommes correspondent à des opérations réelles n’ayant pas principalement pour objet et effet de permettre leur localisation dans un paradis fiscal.

Le taux majoré de 75 % ne s’applique pas aux sommes ayant le caractère de salaires.
En revanche, la retenue à la source au taux de 75 % est libératoire de l’impôt sur le revenu et n’est pas remboursable.

Question : Et la base d’imposition de la retenue à la source ?

Réponse : La base d’imposition de la retenue est constituée par le montant des sommes payées, hors les taxes sur le chiffre d’affaires lorsqu’elles sont exigibles.

En principe, ne peuvent être déduites de l’assiette de la retenue à la source les charges exposées par le bénéficiaire des rémunérations à raison des prestations fournies ou utilisées en France.

Toutefois, il a été jugé, à propos de sommes versées en rémunération d’une activité non commerciale déployée en France, qu’il en va différemment lorsque le bénéficiaire est établi dans un État membre de l’Union européenne : dans ce cas, eu égard au principe de libre circulation des prestations à l’intérieur de l’Union, le débiteur de la rémunération peut déduire de la base imposable les frais professionnels que le bénéficiaire lui a communiqués et qui sont directement liés à l’activité déployée en France (CE 22 nov.2019, n°423698).

Question : Le débiteur de la rémunération a des obligations également. Lesquelles ?

Le débiteur est tenu d’opérer la retenue sur le montant des sommes payées quelle que soit la forme de ce paiement (versement en numéraire, inscription au crédit d’un compte, virement bancaire…). Il est tenu également de verser le montant de cette retenue au service des impôts des entreprises du lieu de son domicile ou du siège de l’établissement.

Ce versement doit intervenir au plus tard le 15 du mois suivant le trimestre civil au cours duquel a eu lieu le paiement des sommes soumises à retenue (Ex : Pour un paiement intervenu au cours du mois de février, la retenue à la source doit être effectuée au plus tard le 15 avril). Il doit être accompagné d’une déclaration de retenue à la source n° 2494 (en double exemplaire) faisant apparaître, outre l’identité et l’adresse à l’étranger du bénéficiaire des revenus, le montant brut des sommes soumises à retenue, le taux et le montant de cette retenue.

Toutefois, à compter du 1er janvier 2021, la retenue à la source n’a pas à être opérée ni versée lorsque son montant n’excède pas 8 € par mois pour un même bénéficiaire (Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020. art. 4).

Les sommes payées doivent en outre figurer sur la déclaration des commissions, honoraires, droits d’auteur ou des salaires et pensions. Le débiteur qui n’a pas versé dans les délais prescrits la retenue opérée ou n’a effectué que des versements insuffisants est passible, si le retard excède un mois, d’une amende pénale de         9 000 € et d’une peine d’emprisonnement de cinq ans (CGI, art. 1771).

Le débiteur qui n’a pas opéré la retenue à la source (ou l’a sciemment opérée de manière insuffisante) ou ne l’a pas reversée est tenu, en cas de contrôle, de verser le montant de la retenue éludée auquel s’ajouteront les pénalités de droit commun.

Question : Qu’est-ce qu’une déclaration des revenus de source française ?

Réponse : Les contribuables domiciliés hors de France qui disposent de revenus de source française doivent souscrire, chaque année, une déclaration de leurs revenus.  Celle-ci doit mentionner les éléments nécessaires à l’établissement de leur imposition, c’est-à dire les renseignements relatifs à l’identité, la situation et les charges de famille du contribuable, ses différents revenus de source française (la déclaration d’ensemble doit être accompagnée des déclarations spéciales ou annexes nécessaires).

La déclaration doit, quel que soit le lieu de résidence hors de France, être souscrite selon les modalités et dans le délai de droit commun. Lorsqu’elle est souscrite sur support papier, elle doit être adressée au service des impôts des particuliers non-résidents 10, rue du Centre, TSA 10010, 93465 Noisy-le-Grand Cedex.
En l’absence de déclaration, l’intéressé est susceptible d’être taxé d’office.

Question : Quelle est la base d’imposition des revenus de source française ?

Réponse : La base d’imposition des contribuables domiciliés hors de France est constituée par les seuls revenus de source française (CGI, art.164 A). Il y a lieu toutefois d’en exclure ceux pour lesquels le droit d’imposer est retiré à la France par une convention internationale, ainsi que ceux ayant fait l’objet d’un prélèvement ou d’une retenue libératoire de l’impôt sur le revenu.

Les revenus de source française à inclure dans la base d’imposition sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes domiciliées en France. Ils doivent donc être retenus pour leur montant net de frais professionnels. Les intéressés peuvent, dans les mêmes conditions que les contribuables domiciliés en France, imputer sur leurs revenus de source française les déficits de source française.

En revanche, pour tenir compte du fait que les revenus taxés en France ne représentent qu’une partie de ceux dont ils disposent, les contribuables domiciliés hors de France ne peuvent pas, sauf exception , opérer de déduction au titre des charges du revenu global. Pour la même raison, ils ne peuvent pas bénéficier de l’abattement en faveur des personnes âgées ou invalides de situation modeste. Enfin, les réductions ou crédits d’impôt sont également limitées.

Les pensions alimentaires versées par le contribuable sont déductibles des revenus de source française lorsqu’elles sont imposables entre les mains de leur bénéficiaire en France et que leur prise en compte n’est pas de nature à minorer l’impôt dû par le contribuable dans son État de résidence (Loi de finances pour 2019, art. 13).

Question : Comment calculer l’impôt dû sur les revenus de source française ?

Comme pour les personnes domiciliées en France, l’impôt sur le revenu dû par les contribuables non domiciliés (qu’ils soient français ou étrangers) est calculé en appliquant à la base d’imposition, le barème progressif et le système du quotient familial, y compris les règles de plafonnement de ce dernier, mais sans faire jouer le mécanisme de la décote.

Toutefois, en vertu de l’article 197 A du CGI, pour tenir compte du fait que l’imposition du revenu ne porte que sur un revenu partiel, l’impôt ainsi calculé ne peut être inférieur à 20 % du montant des revenus de source française. Cependant, si ce montant excède la limite de la deuxième tranche du barème de l’impôt sur le revenu, soit 26 070 € pour les revenus de 2021 (LF 2022, art.2), un taux de 30 % s’applique à la fraction des revenus de source française supérieure à cette limite, sauf taux réduits dans les DOM.

Cette imposition minimale ne s’applique pas si le contribuable justifie qu’elle est supérieure au taux moyen qui résulterait de la taxation en France de l’ensemble de ses revenus de sources française et étrangère. En pareil cas, c’est l’imposition ainsi calculée qui est exigible.

Enfin, si l’imposition minimale n’excède pas 305 €, elle n’est pas mise en recouvrement.

Sur le montant de l’impôt dû par les contribuables domiciliés hors de France, il convient d’imputer, les retenues qui ont été appliquées sur les revenus de source française, lorsqu’elles ne sont pas libératoires de l’impôt sur le revenu. Ainsi, la retenue à la source de 15% qui n’est pas libératoire, s’impute sur le montant de l’impôt dû à raison des revenus de source française.

S’il advenait que le taux moyen d’imposition du sportif sur l’ensemble de ses revenus soit inférieur à 15%, l’excédent de la retenue à la source qui n’aurait pu être imputé sur le montant de l’impôt sur le revenu, serait restitué au contribuable quand bien même ce remboursement n’est pas prévu par la loi (CE,17 fév. 2015, n°373230).

J’ajoute que les contribuables domiciliés hors de France mais imposables sur leurs revenus de source française peuvent se voir adresser des demandes d’éclaircissements ou de justifications et être taxés d’office en cas de défaut de réponse. Ces contribuables peuvent également faire l’objet d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle.

Merci à Monsieur Pierre Beltrame, Professeur émérite – Aix-Marseille Université (AMU)