Deux décisions de justice récentes, l’une de la Cour d’appel de Paris, une autre de la Cour d’appel d’Amiens, viennent de rappeler opportunément que le statut de bénévole ou celui de travailleur indépendant peut être requalifié en contrat de travail. La vigilance s’impose donc. Analyse de ces deux jurisprudences.
La Cour d’appel de Paris par un arrêt du 7 avril 2021 (RG 18/02846) concernant la livraison de courses par un travailleur indépendant a décidé de la requalification en contrat de travail (affaire Deliveroo). De même, la Cour d’appel d’Amiens par un arrêt du 7 septembre 2022 (RG 21/02142) a requalifié en contrat de travail les services « bénévoles » d’un éducateur sportif dans un club. Ces deux décisions mettent en valeur le lien de subordination de ces personnes vis-à-vis de la structure pour laquelle ils œuvraient.
Comment alors définir le lien de subordination pour qu’il y aie contrat de travail ?
C’est la jurisprudence qui définit le lien de subordination, et notamment une décision de la Cour de cassation qui rappelle que la subordination est constituée avec trois éléments :
-le pouvoir de donner des ordres et des directives,
-le pouvoir de contrôler,
-et le pouvoir de sanctionner.
Si ces trois éléments sont réunis, alors il y a bien subordination du travailleur vis-à-vis de celui que l’on appelle alors l’employeur.
Dans cette affaire Deliveroo, quels sont les éléments qui prouvaient le lien de subordination ?
On retrouve dans cette procédure les mêmes éléments qu’en sport où des personnes dites indépendantes sont en réalité sous l’autorité du club, ici sous l’autorité d’un prestataire de services. Les juges ont estimé qu’il y avait pouvoir de direction au motif que ce sont eux qui dirigent la prestation de travail, qui fournissent la tenue de travail, il y a pouvoir de contrôle notamment sur les données de géolocalisation et il y a pouvoir de sanction parce que des avertissements pouvaient être donnés aux travailleurs qui ne respectaient pas les règles, pouvant aller jusqu’à des rétrogradations et même à la rupture du contrat.
Quand un lien de subordination est prouvé, quelles peuvent être les conséquences ?
Le droit français, c’est souvent « tout » ou « rien ». « Tout », si vous êtes salarié et « rien », si vous n’êtes pas salarié. Si vous êtes salarié, le droit du travail et le droit de la Sécurité sociale s’appliquent et il est évident que l’on est mieux protégé que quand on est indépendant. Et puis il y a aussi le délit de travail dissimulé au pénal, ne l’oublions pas.
Qu’est-ce que le lien de subordination permet d’imposer au salarié ?
Un salarié est un subordonné à son employeur, cela signifie qu’il doit obéir aux ordres de l’employeur et s’il ne le fait pas, il s’expose à des sanctions. Celles-ci sont fort variées, un avertissement, une mise à pied, une rétrogradation ou un licenciement. La sanction est le propre du contrat de travail salarié. Attention également à la rémunération.
Concernant dans le bénévolat dans le sport, la Cour d’Appel d’Amiens est claire justement au sujet de la rémunération.
Elle a jugé dans le cadre d’une association que les membres adhérents de celle-ci peuvent accomplir, sous l’autorité du président de l’association ou de son délégataire, un travail destiné à la réalisation de l’objet social, en ne percevant, le cas échéant, que le strict remboursement des frais exposés par eux et ceci sans relever du Code du travail. Et également, la Cour a estimé que lorsqu’e le bénévole perçoit une contrepartie financière à son activité qui dépasse le montant de frais réellement exposés ou une rémunération en nature, comme par exemple un logement, sous réserve de l’existence d’un lien de subordination, la relation peut être requalifiée en contrat de travail.
La Cour d’Amiens ne s’est pas contentée d’indemniser l’éducateur salarié au titre de la rupture du contrat de travail. Elle a également condamné l’association pour travail dissimulé.