Gilles Castagno, auteur de plusieurs Encyclopédies sur l’Olympique de Marseille réfléchit à une réforme du football, championnats compris. Il répond aux questions de LEGISPORT.
Question 1 : L’année 2021 a été marquée par l’annonce d’une Super Ligue européenne de football qui a subi les foudres de beaucoup de personnalités dont des chefs d’Etat et de gouvernement. Qu’en pensez -vous ?
Gilles Castagno : Il y a eu une quasi-unanimité contre la Super Ligue. A mon avis, ce n’est pas le principe d’une Super Ligue qui a été autant stigmatisé mais plutôt la philosophie de cette dernière. En effet, je ne pense pas qu’il y aurait eu une telle levée de boucliers si des critères uniquement sportifs avaient prévalu pour déterminer l’attribution des places au sein de cette ligue. La formule présentée avait un défaut, celui de l’attribution des places qui est philosophique. Et s’attaquer frontalement à l’U.E.F.A., c’était prendre des risques.
Question 2 : Vous proposez une réforme. Pourquoi ?
Je supporte un club qui ne fait pas partie du gotha européen et qui, en l’état actuel des choses est quasiment condamné à n’en faire jamais partie. Auparavant, on pouvait nourrir de hautes ambitions en Europe en ayant des moyens financiers conséquents mais pas forcément colossaux. Aujourd’hui c’est impossible. On peut citer les exemples de Parme, en Italie, Valence en Espagne ou Porto au Portugal qui sont parvenus à un haut niveau pendant plusieurs saisons. Dans les années 70 et 80, ces exemples étaient nombreux : Anderlecht, Ajax, Benfica, Mönchengladbach, Dynamo Kiev et plusieurs clubs anglais…. On pouvait découvrir une superbe équipe à Prague, Ipswich ou Aberdeen. Aujourd’hui, c’est extrêmement rare et ça ne dure pas plus d’une saison. Voir le quatrième club anglais éliminer sans coup férir le premier portugais ou néerlandais me semble difficile à admettre. Une grande majorité des clubs arrive à se réjouir d’avoir vendu un joueur à un « mastodonte » européen. Où est l’ambition sportive ? L’arrêt Bosman a profondément modifié le visage du football mais je pense que l’on est allé trop loin.
Question 3 : Précisez votre proposition. C’est un genre de Ligue des Nations de clubs en plusieurs groupes ?
Non, vous vous trompez. Mon projet ne ressemble pas à la Ligue des nations où il y a plusieurs groupes d’un petit nombre de nations qui s’affrontent en matchs aller et retour, le premier de chaque poule se qualifiant pour un final 4. Ici, il s’agit de 4 championnats regroupant chacun16 équipes. Il y a quatre divisions la première couronne le champion d’Europe, et les trois autres équivalent à des titres de type Ligue Europe ou Ligue conférence. Dans chaque division, les équipes s’affrontent entre elles suivant un système classique de championnat par matchs aller et retour. Le tout entre août et mars. Fin mars, les titres sont attribués.
Question 4 : En quoi ce serait meilleur pour le football ?
Ma proposition tient compte de critères sportifs, médiatiques et économiques. Je pense que les amateurs de football peuvent s’y retrouver en terme de qualité de jeu et d’intérêt sportif, les joueurs, les médias, les clubs et instances aussi. De plus, chaque pays est représenté entre août et mars. Ce qui pourrait être considéré comme négatif par les clubs, c’est le nombre de place attribuées. Actuellement, Il y a beaucoup plus de clubs qui participent aux compétitions, si l’on rajoute les tours préliminaires. Dans mon projet, il n’y a que 64 équipes.
Question 5 : Pourquoi s’être intéressé à une réforme ?
Je m’y suis intéressé car c’est un sujet récurrent. Chacun essaye de tirer la couverture à soi, le lobbying est intense. Les clubs les plus importants ont réussi à faire modifier les formats des compétitions dans le seul but d’y être toujours présents et de gagner un maximum d’argent. Alors autant aller au bout des choses en permettant aux meilleurs de s’affronter tout au long de l’année mais, à condition qu’ils se soient qualifiés. On est presque tous d’accord sur le manque d’intérêt d’un FC Barcelone – Alaves ou d’un Bayern de Munich – Bochum, alors laissons s’affronter le FC Barcelone et le Bayern de Munich. Leurs effectifs sont calibrés pour ça.
Question 6 : Nous sommes conscients qu’il n’est pas inutile de réfléchir à de nouveaux projets de compétitions. Le tennisman suisse Roger Federer est à l’origine de la Laver Cup. J’ai moi-même lancé l’idée d’un match amical annuel des sélections de football de France et d’Allemagne lors de la journée franco-allemande. Le football est-il prêt à modifier ses épreuves européennes ?
Bien entendu que le football est prêt. La preuve, l’U.E.F.A. l’a fait à partir de 2024. La nouvelle formule est d’une grande complexité par rapport à ce qui s’est fait jusqu’à maintenant. Les organismes dirigeants ne sont pas à ça près, après des compétitions où les meilleurs troisièmes (sur 4) étaient qualifiés. En 2016, à l’Euro, le Portugal a fini troisième de sa poule et a remporté l’épreuve. On a même vu en 1992, une équipe non qualifiée (le Danemark) être championne d’Europe. Il suffit aussi de regarder la Ligue Europe (en français c’est mieux) où le premier de la poule est qualifié pour la suite, le second joue un barrage pour rester dans la compétition et le troisième joue un barrage pour poursuivre sa route en Ligue Conférence. On n’a jamais rien trouvé de mieux que la formule championnat avec la différence de buts pour départager deux équipes.