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1991 : fondation de LEGISPORT. 1996 : lancement du bulletin d'informations juridiques sportives LEGISPORT. Tout sur le droit du sport.

Le sport se joue aussi dans les prétoires

LEGISPORT publie cet article écrit par Alexandre Terrini sur le site internet du Cros (Comité régional olympique et sportif) Ile de France le 23 janvier 2022.

Serge Pautot, vice-Président de la Fédération française de boxe (FF Boxe), et son fils, Michel, tous deux avocats, relatent, dans un ouvrage largement autobiographique1, les principales affaires qu’ils ont eu à plaider et qui, par leur importance, ont, à leur manière, marqué l’histoire du sport hexagonal. Passionnant.

Le destin est souvent affaire de rencontres. Un entraîneur de boxe, connu dans le cadre de ses activités d’avocat, convia, un jour, Serge Pautot au sein Boxing Club du Guardian, à Marseille. C’est là qu’un soir, ce fin connaisseur de l’Afrique prit langue avec un certain Pape Diouf qui était encore journaliste avant de devenir, bien des années plus tard, un émérite Président de l’Olympique de Marseille. Toujours est-il que ce même Pape Diouf recommanda alors Serge Pautot pour qu’il assure la défense du gardien de but de l’OM, Joseph-Antoine Bell, en litige avec… Bernard Tapie. Un double hasard qui fit du Bisontin un inlassable dirigeant de boxe et un avocat qui se spécialisa notamment dans le sport.

Lolo Ferrari et les grosses cylindrées

Lire le récit de Serge Pautot, c’est se replonger goulûment dans des faits loin d’être divers. Comme lorsqu’il fut le défenseur de Philippe Filippi, cet immense manager de boxe d’après-Guerre qui cornaqua notamment Charles Humez, Alphonse Halimi, Chérif Hamia, Marcel Cerdan junior. L’infortuné Filippi fut accusé à tort, dans la biographie du commissaire de police Georges Nguyen Van Loc, d’avoir été… proxénète. Une atteinte à sa réputation suffisamment grave pour que l’affaire fusse portée devant les tribunaux et que réparation sonnante et trébuchante fusse obtenue. De même quand, par la suite, les médias publièrent par erreur une photo de Philippe Filippi en lieu et place de celle de son fils, Homère, figure du grand banditisme et soupçonné d’être l’instigateur de l’assassinat du juge Michel.

Autre cas qui, lui, prête à sourire, quand Maître Pautot défendit Lolo Ferrari, artiste connue pour l’ampleur de sa poitrine et désireuse de déposer sa marque auprès l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Ce qui ne fut pas du goût du fabricant de bolides Ferrari qui, dans la crainte d’un mélange des genres qu’il jugeait de mauvais goût, s’y opposa et obtint gain de cause en 1996.

Serge Pautot n’a eu de cesse de se battre pour des causes qui le valaient et d’abord, la féminisation. Adepte de la boxe pieds-poings, Sophie Girard en sait quelque chose, elle qui voulait obtenir, au nom de la parité hommes-femmes, de la Fédération française de boxe française, savate et disciplines associées, une égalité des primes de résultat. Ce que le Conseil d’État ne lui accorda point, non pas pour une raison de fond mais de forme, en l’occurrence, le fait qu’elle n’était pas inscrite sur la liste des sportifs de haut niveau.

L’affaire Malaja, un tournant en matière de recrutement

En revanche, sous les auspices de Serge Pautot, Élodie Lussac fit condamner, en 1999, solidairement la Fédération française de gymnastique et la compagnie d’assurance Allianz à lui verser dix mille francs d’indemnisation. Elle reprochait aux entraîneurs nationaux de l’avoir forcée à participer aux Mondiaux 1994 alors qu’elle venait de se blesser gravement au dos et qu’elle n’avait que quinze ans. Ce qui l’obligea à porter un corset et à rester allongée sept mois durant. Le tout sans que la FFG ne désavoue, a posteriori, ses cadres techniques en cause, ce qui incita l’intéressée à mettre prématurément un terme à sa carrière.

Mais le fait d’arme le plus connu de Serge Pautot et de son fils Michel – tous deux fondateurs de l’association Legisport et de son bulletin éponyme d’informations juridiques sportives – est, sans aucun doute, la célèbre affaire Malaja, du nom de Lilia Malaja, basketteuse polonaise enrôlée, en 1998, par le RC Strasbourg. Une embauche invalidée par la Fédération française de basket (FFB) au motif que la formation alsacienne comptait déjà dans ses rangs deux étrangères qui n’étaient pas issues de l’Union européenne (UE), ce qui était contraire au quota réglementaire instauré par la FFB. Le cabinet Pautot porta l’affaire devant la justice en excipant les accords d’association et de coopération entre l’UE et divers pays dont la Pologne, lesquels consacraient notamment, pour leurs ressortissants, la liberté de circuler et de travailler. Imparable au point qu’en 2002, le Conseil d’État confirma l’arrêt rendu, en 2000, par la Cour d’appel de Nancy qui donnait raison à Lilia Malaja. Résultat : les restrictions au recrutement d’athlètes européens, hors Union européenne, tombèrent pour une large part, quelle que soit la discipline. Un acquis susceptible de bénéficier, aujourd’hui, aux clubs franciliens.

« Nos combats pour le sport et la justice, quelques grands procès », Michel et Serge Pautot, Éditions du Sékoya, 336 pages, 24 euros (préface de Thierry Braillard).

Alexandre Terrini