TRIBUNE de Maître Michel Pautot, avocat au barreau de Marseille, rédacteur en chef de LEGISPORT
Tout a été dit ou presque sur le Ballon d’Or qui récompense le meilleur joueur de football. Je me souviens avoir eu des discussions passionnantes dans le passé sur cette magnifique distinction avec mon ami Pape Diouf, ancien Président de l’Olympique de Marseille au sujet de quelques de ses prestigieux vainqueurs. « C’est la magie du foot ».
Le Ballon d’Or est toujours très attendu pour sacrer le meilleur footballeur. « C’est l’équivalent du Prix Goncourt ou du Pullitzer Price », nous glisse l’une des personnalités qui a bien voulu répondre à l’enquête de LEGISPORT, Caroline Jannes, une spécialiste belge du sport.
Le Ballon d’Or décerné par France Football a évolué avec le temps mais pendant longtemps, il a été réservé aux seuls joueurs européens avant de s’ouvrir aux joueurs du monde entier, si bien que lorsque j’étais jeune, un joueur comme l’argentin Diego Maradona ou le brésilien Zico ne pouvaient pas remporter le Ballon d’Or. Aujourd’hui, le Ballon d’Or est très prisé et un joueur non-européen peut le remporter. C’est une réforme majeure qui a été accomplie et elle mérite d’être saluée. Autre réforme majeure, c’est l’attribution du Ballon d’Or à la meilleure joueuse, c’est également une avancée significative et il est légitime que les footballeuses soient également concernées par le Ballon d’Or.
« Un ballon d’or est une récompense donnée au meilleur footballeur de l’année. Cette personne s’entraîne depuis tant d’années pour améliorer ses capacités, connait avantages mais aussi sacrifices, cherche des solutions pour les obstacles physiques, techniques et mentaux. C’est une photo d’une année mais aussi une récompense pour 10.000 heures de travail au moins », pour Madame Jannes, secrétaire générale de l’I3SAW.
La saison de football n’est pas finie, bientôt les finales des Coupes d’Europe et l’organisation de l’Euro que déjà les favoris au Ballon d’Or pour 2021 commencent à apparaître… Dans une tribune qui a été annoncée en « une » de plusieurs médias algériens (Le Quotidien d’Oran, Le Courrier d’Algérie) et relayée également dans divers sites internet (TSA, Algérie 1), nous avons précisé que Riyad Mahrez était en route pour le Ballon d’Or à la suite de ses buts et exploits contre le Paris Saint-Germain. Décision dans plusieurs mois…. Ismaël Bouchafra-Hennequin, auteur de multiples études sur le football dont l’instructif « Football et nationalité » nous donne son avis : « En Ligue des champions, Riyad Mahrez a été déterminant. Ses dribbles sont chaloupés, imprévisibles, c’est beau à voir. Mais surtout c’est efficace. Et en plus, il marque de plus de plus désormais comme lors de cette demie contre Paris… Pour le Ballon d’or, si on considère « seulement » les perfs en club, Robert Lewandowski a ses chances, je pense… C’est une machine, il est à un but du record de Gerd Muller ! Son collègue du Bayern Joshua Kimmich est pas mal non plus. Après, cette année, l’Euro aura un poids considérable aussi (Généralement, un des vainqueurs rafle le trophée : prions pour Kylian Mbappé et les Bleus lol). Kevin De Bruyne (Belgique) aussi est très, très impressionnant cette saison… La nouvelle génération de l’Angleterre de Foden sera intéressante à voir, tout comme celle de l’Italie ».
Les indicateurs pour gagner le Ballon d’Or sont-ils clairs ?
Souvent, j’ai entendu dire dans les stades : « le Ballon d’Or n’est pas toujours juste, beaucoup ne l’ont pas gagné comme Franco Baresi, Paolo Maldini, Miroslav Klose qui est le joueur qui a le plus marqué de buts en Coupes du Monde… » ou encore « les joueurs des grands clubs sont avantagés, les joueurs des petits Championnats ne le gagneront jamais ».
Gilles Castagno, auteur de monumentales Encyclopédies sur l’Olympique de Marseille estime que « donner une récompense individuelle pour un sport collectif est totalement incongru ». « Une vraie récompense individuelle sur une année civile (ce n’est déjà pas normal dans un sport qui se pratique, tout du moins en Europe occidentale de juillet à mai) serait d’attribuer une note à chaque joueur pour chaque match, par exemple pour tous les joueurs des clubs participant à la Ligue des Champions car on sait que ce sera l’un d’entre eux, et celui qui a le meilleur total ou la meilleure moyenne en fin d’année ce sera lui le Ballon d’or. C’est le système qu’applique France Football pour désigner l’Etoile d’or du Championnat. Dans ce cas, on peut attribuer des coefficients pour le Championnat et d’autre pour la Coupe d’Europe, un joueur qui est très bon pendant uniquement les derniers tours de Ligue des Champion n’est pas forcément le vainqueur », nous précise-t-il.
Parmi les nombreux avis recueillis, le Pr. Bachir Zoudji, Président de l’I3SAW nous a indiqué que l’attribution du trophée pose un problème majeur : l’absence de règles/indicateurs clairs et explicites pour désigner le vainqueur. « L’absence de ces règles soulève parfois des questions sur le choix du vainqueur. L’exemple le plus significatif est celui de Franck Ribéry qui en 2013 a été classé troisième malgré une année époustouflante où il a tout gagné. Certains avaient pointé une grande injustice ».
« Quand on met en place un trophée, il est indispensable de connaître les indicateurs fiables qui permettent de désigner le vainqueur. Autre écueil : le Ballon d’Or me paraît trop sélectif et accorde une place trop importante aux joueurs des grands clubs et championnats. Si un joueur marque 40 buts dans le Championnat tchèque, il n’obtiendra pas le Ballon d’Or. Ce n’est pas normal », nous indique Bachir Zoudji.
Le football a besoin de récompenser ses stars !
Le football a besoin de récompenser ses stars, dont le meilleur joueur et également la meilleure joueuse. C’est comme le cinéma, mais le cinéma ne serait plus le cinéma sans les Oscars de Hollywood ! Ceci étant, des personnalités souhaitent une modification du Ballon d’Or comme Nadim Nassif, Professeur à Notre Dame University à Beyrouth qui est favorable à « l’abolition du Ballon d’or ». Cet universitaire nous précise que deux trophées annuels doivent exister : celui de la meilleure équipe nationale et le meilleur club. « Commençons par le titre de la meilleure équipe nationale, le football est un sport d’équipe. S’il n’y avait pas Xavi, Iniesta, Busquets ou Dani Alves, Lionel Messi n’aurait jamais pu faire les merveilles qu’il fait régulièrement. Peut-être qu’il faut être plus spécifique dans les comparaisons et faire des sous-classements, du genre meilleure conduite de balle. Messi a peut-être la meilleure conduite de balle de tous les temps avec une habilité extraordinaire pour marquer des buts. Il a également une excellente vision du jeu. Mais Xavi est bien au-dessus de lui dans sa capacité de faire jouer les autres…. Je préfère de loin avoir un trophée de meilleure équipe nationale, dont la performance est le résultat de tout un système (fédérations, centres de formation, entraineurs, dirigeants,…) ».
« Même chose pour les clubs. Ils sont également le résultat de tout un système. En général, le meilleur club doit être celui qui a eu une excellente performance en Champions League et dans son championnat local (qui doit normalement être un championnat du Big 5 : Angleterre, Espagne, Allemagne, Italie et France). Par exemple, en 2020, le Bayern a gagné la Champions League et la Bundesliga. C’était donc forcément le meilleur club au monde », nous indique Nadim Nassif.
Daniel Daire, éducateur de football du côté de la Garonne trouve judicieux d’identifier le meilleur entraîneur ou la meilleure entraîneure : « à travers chaque compétition quelle que soit son appellation (son niveau) nous sommes en mesure de voir comment le technicien (ienne) a préparé son équipe compte tenu que chaque match est unique à priori et comment il a formé ses joueurs (euses) à s’adapter pour vaincre ou s’opposer à la formation adverse ! ».
Controverses sur la non-attribution du Ballon d’Or 2020
France Football a annoncé le 20 Juillet 2020 que le Ballon d’Or ne serait pas attribué. Les partisans y ont vu une sage décision, alors que d’autres ont pointé une injustice. Nous avons été dans le camp de ceux qui ont trouvé illogique de ne pas attribuer le Ballon d’Or alors que les finales des Coupes d’Europe ont été disputées (cf. Le Ballon d’Or doit être décerné, Michel Pautot, Huffpost.fr, 3 septembre 2020 ; Nouvelles victimes du Covid-19 ? Les Ballons d’Or, Michel Pautot, La Provence, 20 Septembre 2020). Nous estimons que les Européens ne se sont pas assez positionnés pour contester cette décision. Un site d’info sportive américaine Bleacher Report a lancé une pétition pour que le Ballon d’Or soit décerné, mais rien n’a changé.
Gilles Castagno comprend parfaitement les raisons qui ont pu justifier cette non-attribution : « 2020 devait être marquée, comme chaque année paire par deux évènements majeurs : la Ligue des champions et le championnat d’Europe des Nations. Ce sont ces deux compétitions qui devaient définir le lauréat du Ballon d’or. La pandémie a occasionné le report d’un an de la seconde alors que la première a été réduit à un format minimaliste. De ce fait les plus grands joueurs n’avaient que trois rencontres au maximum (lors du final 8) pour se mettre en évidence. « France Football » a jugé avec raison, que désigner le meilleur joueur du monde de l’année 2020 sur si peu de matchs n’était pas sérieux. C’est aussi mon avis ».
Une autre vision est développée par un universitaire de Manchester. « La non attribution du Ballon d’Or n’était pas une bonne décision, il était tout à fait possible de classer les joueurs sur la base des matchs effectués l’année dernière en tenant compte des conditions particulières auxquelles ces joueurs ont été soumis (e.g. moins de matchs joués en Ligue 1 par rapport aux autres championnats du Big 5). Robert Lewandowski aurait sans doute mérité de se le voir attribuer pour la première fois », nous indique Nicolas Scelles, Senior Lecturer à la Manchester Metropolitan University.
Même des juristes ont estimé que « le Ballon d’Or aurait dû être décerné comme les autres années et un joueur du Bayern, Robert Lewandowski ou Manuel Neuer, le méritait », estime le Professeur Pierre Beltrame.
Pour le Professeur Michel Raspaud, organisateur d’un important Colloque sur le management du sport et de l’Europe il y a quelques années, « le Ballon d’Or aurait pu être décerné, la FIFA a bien désigné l’attaquant polonais Robert Lewandowski comme joueur de l’année 2020 devant le portugais Cristiano Ronaldo. Mais la saison a été tellement particulière et inédite entre les championnats stoppés, les championnats qui ont repris, le report de l’Euro et l’allègement des coupes d’Europe que la conjonction de ces évènements ont pu valablement militer en faveur de la non attribution. La perspective d’une remise du trophée dans une salle vide ou très peu remplie en raison des restrictions du public a pu peser également ».
« Peut-être tout simplement que FF était conscient d’une saison vraiment particulière et à voulu marquer le coup en n’attribuant pas un trophée qui aurait de toute manière était contesté et contestable », nous indique le Professeur Didier Rey.
Laissons le mot de la fin au Professeur Ludovic Tenèze, auteur de divers ouvrages comme « 150 ans de football » ou encore « Et si on modifiait les règles du football ? » : « Pas de ballon d’or en 2020… rien de scandaleux car la covid est la maladie d’Or du siècle ! Mais quand on est supporter du Bayern de Munich, on ne peut s’empêcher de penser que Robert Lewandowski le méritait ! Ensuite, France Football a eu la génial idée de faire l’équipe du siècle et d’attribuer 11 Ballons d’Or de légendes.. un pour chaque poste… Une Dream Team, élue par les jurés habituels de près de 200 pays, qui donne le tournis. Cette équipe historique nous replonge dans le football de notre enfance. Dans les buts, Lev Yachine, à l’arrière, Cafu, Paolo Maldini, et Franz Beckenbauer, au milieu, Lothar Matthäus, Xavi, Pelé et Diego Maradona, devant Lionel Messi, Cristiano Ronaldo, et Ronaldo. Pas de français, ni Zidane ni Platini. Pas de hollandais ni Yohan Cruijff ni Marco Van Basten. Un banc qui pèse 10 Ballons d’Or ! ».
Le Ballon d’Or n’a pas fini de faire parler et de susciter des propositions et des réflexions. Mais pourquoi pas attribuer le Ballon d’Or à un joueur à l’origine d’un geste technique d’anthologie, comme Antonin Panenka (le pénalty à la Panenka) ou Rabah Madjer (talonnade à la Madjer) ? Cette proposition nous paraît assez opportune et nous la lançons aujourd’hui…