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Droit du sport : décryptage de la Convention collective du handball professionnel féminin

Le 15 Mars 2021, le handball féminin est entré dans l’histoire du sport et également dans celle du dialogue social avec la signature de la Convention collective du handball professionnel féminin.

Jean-Marie Sifre, Président de l’UCPHF (Union des clubs professionnels de handball féminin), Thierry Anti, Président de 7 Master (Groupement des entraîneurs et des professionnels de la formation de handball) et Madame Sabrina Ciavatti, vice-présidente de l’AJPH (Association des joueurs-ses professionnels de handball) en charge de la filière féminine ont signé cette Convention.  

« Les organisations professionnelles du handball féminin ont voulu créer un véritable statut social concerté propre aux joueuses et aux entraîneurs de handball professionnel de 1ère division nationale féminine. Cet accord a pour objet d’accompagner les clubs et leurs salariés dans la structuration du championnat au sommet de la hiérarchie du handball français ». 

« Nous avons signé le premier accord collectif d’un sport féminin français ! Quelle fierté », s’est exclamé Dihane, le compte twitter du dialogue social dans le handball professionnel féminin. Une grande date pour les avancées des droits des entraineurs et joueuses et plus précisément des professionnelles – joueuses et entraîneures- de handball.

Une Convention collective composée de onze chapitres

La Convention collective qui compte onze chapitres (clauses générales, procédures et instances, contrat de travail, temps de travail, congés, formation professionnelle continue, classifications – rémunérations, prévoyance et complémentaire santé, exploitation de l’image des salariés, santé, hygiène et sécurité, épargne salariale – réservé) est conclue pour une durée indéterminée et concerne exclusivement les seuls clubs, quelle que soit leur structure juridique, participant au Championnat de handball féminin de première division (LFH) dont l’organisation et la gestion est assurée par la Fédération Française de Handball.

Applicable à compter du 1er Juillet 2021, sauf les dispositions des chapitres 1 et 2 d’applicabilité immédiate (clauses générales, procédures et instances), la Convention fixe les conditions de travail, de rémunération, d’emploi ainsi que les garanties sociales des joueuses liées par un contrat de travail avec les clubs participant à ce Championnat et les entraîneurs sous contrat de travail avec ces mêmes clubs, exerçant leurs fonctions d’entraîneur principal, entraîneur-adjoint, entraîneur-spécifique, entraîneur responsable ou entraîneur directeur d’un centre de formation.

Précision : lorsqu’un club est relégué ou rétrogradé en 2ème division féminine, la Convention continue à produire effet pour les contrats conclus avant la relégation ou la rétrogradation.

Conformément aux dispositions du Code du sport, les contrats sont conclus pour une ou plusieurs saisons sportives, la durée d’une saison sportive étant fixée à douze mois (chapitre 3). Le contrat de travail est conclu pour une durée minimum d’une saison sportive, donc de douze mois. La durée du contrat ne peut être supérieure à 5 (cinq) saisons sportives. Cette durée ne s’applique pas en cas de renouvellement explicite du contrat ou de conclusion d’un nouveau contrat avec le même club. Dans certains cas spécifiques, le contrat pourra être inférieur à douze mois (mise en œuvre de la durée dérogatoire en cours de saison).

Comme le précise le chapitre 4, les contrats de travail sont à temps plein sauf pour quelques exceptions.

Le chapitre 7 indique les classifications et les rémunérations. Il n’existe pas de classification particulière pour les fonctions de joueuse car toutes les joueuses d’une équipe relèvent du même niveau de classification.

Ce n’est pas le cas des entraîneurs qui peuvent être cadres (entraîneurs principaux, entraîneurs qui occupent une fonction de directeur de centre de formation) ou non cadres (entraîneurs adjoints, entraîneurs responsables sportifs au sein d’un centre de formation). Par accord entre les parties, et par dérogation, un entraîneur adjoint peut se voir attribuer le statut de cadre. 

En raison de la crise sanitaire et économique actuelle, qui crée de réelles incertitudes sur la situation économique des clubs participant à la Ligue Butagaz Energie, les minimas de rémunérations sont gelés et renvoyés à une négociation ultérieure au sein de la commission paritaire. Dans l’attente de cette négociation, ce sont ceux prévus par le chapitre 12 de la CCNS qui s’appliqueront au 1er juillet 2021.

La rémunération est au minimum (temps plein, hors primes) de :

Emploi Rémunération minimum hors primes
Joueuse 1561,06 euros bruts
Entraîneur principal cadre 3258,03 euros bruts
Entraîneur directeur de centre de formation 3258,03 euros bruts
Entraîneur adjoint cadre 3258,03 euros bruts
Entraîneur adjoint non cadre 2026,66 euros bruts
Autre entraîneur non cadre 1954,23 euros bruts

Le chapitre 8 « Prévoyance et complémentaire santé » est important. Les joueuses et entraîneurs relèvent du régime général de sécurité sociale en vertu de l’article L.311-2 du Code de la Sécurité Sociale et le clubs relevant du champ d’application de la Convention collective du handball féminin doivent se conformer à l’ensemble des obligations en résultant pour les employeurs à l’égard des organismes de sécurité sociale et des joueuses et entraîneurs.

L’article 3.1. (chapitre 8) consacré à l’incapacité temporaire de travail de ce chapitre 8 mérite l’attention : « Quelle que soit leur ancienneté, les joueuses et les entraineurs entrant dans le champ d’application de la présente convention bénéficient des prestations de sécurité sociale et, pendant les 12 premiers mois d’arrêt de travail, d’un complément par le club permettant le maintien intégral de leur rémunération nette dans la limite de 2 PMSS à compter du premier jour d’arrêt de travail, que celui-ci résulte de maladie, d’accident de travail, ou d’un congé maternité, le Club complétant en net le montant des indemnités journalières de sécurité sociale. Ces indemnités sont dues jusqu’à la date de rupture ou d’expiration du contrat de travail et au plus tard pendant les 12 premiers mois de l’arrêt de travail.

Les indemnités journalières substitutives à la rémunération ne sont dues qu’en complément de celles versées par le régime général de sécurité sociale. Par exception à ce principe, le maintien direct de la rémunération bénéficie au salarié pluriactif qui, malgré l’état d’incapacité d’exercer son activité de joueuse ou d’entraineur, ne perçoit pas les indemnités allouées par la caisse primaire uniquement du fait de la poursuite de son activité pour le compte de son second employeur.

En toute hypothèse, la reprise par le salarié de son activité, suite à un accident du travail ou à une maladie, n’est considérée comme effective qu’à compter du moment où elle est apte à participer à l’intégralité des entraînements et, par là même, aux compétitions ».

Il nous apparaît utile de mentionner que cette Convention Collective a mis en œuvre pour la première fois dans le sport féminin les dérogations conventionnelles au temps de travail à temps partiel. Cette compétence permet notamment de déroger aux mi-temps obligatoires prévus au Chapitre 12 de la Convention Collective Nationale du Sport et ainsi permettre aux clubs de recourir aux CDDS pour leurs entraîneurs dès 6h/hebdomadaires, estime Thibaut Dagorne, délégué général de 7 Master.

Une avancée pour les droits des joueuses

Sabrina Caviatti, ancienne joueuse professionnelle de handball qui a conquis le titre de Championne d’Europe (« Coupe Challenge ») avec Mios-Biganos et signataire de la Convention collective en tant que vice-présidente de l’AJPH (Association des joueurs-ses professionnels de handball) souligne que « la Convention Collective Nationale du Sport n’était pas adaptée aux cas des grossesses puisqu’en tant que handballeuses en général les joueuses sont mises en arrêt de travail au bout du 2ème  mois. Pour nous joueuses, cet aspect prévoyance (accident/grossesse) n’était clairement pas suffisant puisqu’il n’y avait aucun maintien de salaire prévu qui soit suffisant pour couvrir de longues blessures ou une grossesse ».

Pour Jean-Marie Sifre, Président du club professionnel de Paris 92 et également de l’UCPHF (Union des clubs professionnels de handball féminin), il s’agit d’ « une avancée pour le sport féminin en général et pas seulement pour le handball. La signature de la première convention collective dans un sport féminin donne une nouvelle dimension au sport féminin. C’est un outil important de reconnaissance du caractère professionnel de notre discipline. Ainsi, par cet accord on montre que le sport féminin en France, peut-être un sport professionnel dans lequel on reconnait l’importance du statut des salariés. Le développement de notre discipline se fait dans un cadre précis qui apporte la sécurité nécessaire aux salariés. Nous sommes en train de rattraper notre retard par rapport au sport masculin, grâce à des outils de professionnalisation comme celui-ci. On espère maintenant que le handball va ouvrir la voie à la signature d’autres accords de discipline ».

« Un autre impact positif pourrait permettre à la Ligue Butagaz Energie d’être attractif rayonner aller au-delà des frontières. Par exemple, une joueuse exerçant à l’étranger dont le recrutement pourrait être une plus-value sportive dans un effectif d’un club et donc du championnat LBE, pourrait choisir l’emploi dans un club français car il garantit une stabilité financière et un cadre social tout en ayant une compétitivité sportive renforcée du championnat. En miroir, cet accord collectif doit permettre de conserver les meilleurs talents dans les clubs français de Ligue Butagaz Energie », a déclaré Thierry Anti, Président de 7 Master et entraîneur professionnel du PAUC Handball.

Voilà un accord collectif qui méritait d’être présenté et qui permettra aux joueuses de s’en prévaloir.

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