Par Me Michel Pautot, avocat au barreau de Marseille, rédacteur en chef de LEGISPORT
Le 15 décembre 2025, l’arrêt Bosman (du nom du footballeur belge) prononcé par la Cour de justice des communautés européennes aura trente ans. Cet arrêt a bouleversé le sport professionnel européen, rappelant la règle de la liberté des joueurs(ses) profesisonnels(lles) au sein de l’Union européenne.
Le concept de liberté de circulation des travailleurs communautaires a été adopté en 1957 dans le Traité instituant la Communauté Economique Européenne (CEE) dit « Traité de Rome », aujourd’hui Union Européenne (UE). Il implique l’élimination de toute discrimination fondée sur la nationalité. Des « quotas » de joueurs étrangers étaient mis en place pour limiter leur présence dans les équipes de clubs professionnels. A cette époque, le sport « excluait » malgré les arrêts Walrave (1974) et Donà (1976) de la Cour de Justice des Communautés Européenne condamnant ces restrictions. L’arrêt Bosman en 1995 réaffirmait cette liberté avec force et y a ajouté l’illégalité des indemnités de transfert des joueurs en fin de contrat. Les conséquences sont « énormes » pour le football français et européen, nos « joueurs » s’expatrient massivement dans les clubs anglais, allemands, italiens et espagnols. Ce qui sera tout « bénéfice » pour l’équipe de France qui après 19995, va conquérir deux Coupes du monde de football (1998, 2018), alors qu’avant l’arrêt Bosman, la France avait été demi-finaliste de la Coupe du monde (1958, 1982 et 1986).
Puis un second mouvement d’une ampleur quasi mondiale s’est produit avec les accords européens et l’arrêt Malaja prononcé par le Conseil d’Etat qui a concerné une basketteuse polonaise, interdite de jeu en France, l’arrêt Bosman concernant quinze pays au moment de son prononcé. Mais l’UE a signé des accords avec une centaine d’Etats tiers, dont une clause interdit la discrimination en raison de la nationalité en ce qui concerne les conditions de travail. L’application de ces accords a donné lieu en France à l’arrêt Malaja (2002), nom de la basketteuse que nous avons eu l’honneur de défendre avec le soutien de son agent François Torres et le président du RC Strasbourg basket pro féminin Patrick Kramer, pour contester son interdiction de jeu. Une « grande » décision n’arrivant jamais seule, d’autres arrêts de la Cour de justice des communautés européennes sont intervenus : Kolpak (2003), Simutenkov (2005), Kahveci (2008)…
Le spectacle sportif devient mondial, les clubs recrutent de toutes parts, les supporters sont ravis et les joueurs aussi. Le foot et le rugby en profitent, les stars sud-africaines du rugby signent en France, le Championnat anglais de football surfe sur la mondialisation, il rayonne. Le Champion du Monde Marcel Desailly, l’ex-célèbre footballeur passé par la Premier League, ne manquait pas de souligner récemment dans les colonnes de la revue LEGISPORT que « la mondialisation, c’est l’ADN de Chelsea FC ». Un avis forcément Instructif et qui montre que les « bastilles » du protectionnisme n’ont pas résisté.
Perçue comme un danger pour la préservation de l’identité du sport national, le recrutement de joueurs étrangers ne faisait pas l’unanimité dans les milieux sportifs. Mais avec l’évolution et l’application du droit européen à l’égard des migrations, la mondialisation est bien acceptée aujourd’hui voire même recherchée et encouragée. En 2024-2025, le succès en Ligue des Champions du PSG, entraîné par l’Espagnol Luis Enrique, avec un capitaine brésilien Marquinhos, a montré l’ « alchimie » entre les joueurs français (Ousmane Dembélé, ballon d’Or, Désiré Doué…), ceux des zones Bosman (Espagne, Portugal dont Vitinha, 3ème au Ballon d’or, Italie avec le gardien Donnarumma, impérial…) et Malaja également. Ceux qui avaient prédit « la fin du foot français avec l’arrêt Malaja » se sont trompés ! Le premier but de la finale contre l’Inter inscrit par le joueur marocain Akimi a « pesé » et scellé le sort du début de la finale, l’arrêt Malaja contribuant au succès du PSG… Comme se sont trompés ceux qui avaient misé sur le déclin des clubs anglais de football avec le Brexit ! Le protectionnisme a volé en éclats, l’Europe a tout bouleversé. Merci Jean-Marc Bosman, merci Lilia Malaja !
