Par Benoist Mallet Di Bento,
Consultant-ICf Intelligence Culturelle et francophonie
À Madagascar, le rugby dépasse le cadre de la simple pratique sportive. Il constitue un vecteur de mémoire, de culture et de cohésion sociale. Depuis les premières rencontres à Antananarivo en 1905 jusqu’aux exploits des Makis masculins et féminins sur la scène internationale, ce sport a permis l’affirmation identitaire et l’expression collective d’un peuple. Dans ce cadre, le rugby peut être analysé comme un outil de réalisation du droit à la pratique sportive et à la participation culturelle, inscrit dans diverses conventions internationales sur la jeunesse, le sport et l’inclusion sociale.
« Le sport comme vecteur de droits, d’inclusion et de diplomatie francophone dans l’espace Indopacifique »
Inclusion et égalité : enjeux normatifs et sociaux
Le rugby malgache est également une affaire de justice sociale et de droits fondamentaux. Les Makis féminines, compétitives à l’international, illustrent l’importance de l’inclusion et de l’égalité dans un domaine longtemps masculin. Leur réussite démontre que la promotion du sport féminin constitue un impératif social et juridique, favorisant l’émancipation, la reconnaissance des compétences et le respect du principe d’égalité entre les sexes tel que défini par le droit international et les conventions de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).
Une diplomatie sportive à construire dans l’Indopacifique
Madagascar, membre actif de l’Organisation internationale de la Francophonie et acteur central du « trapèze des Mascareignes », pourrait devenir un acteur stratégique de la diplomatie sportive francophone dans l’Indopacifique de l’aire des langues austronésiennes essentiellement. En valorisant ses clubs, ses joueurs et joueuses, le pays peut consolider un rugby francophone Indopacifique, vecteur d’éducation, de santé, d’inclusion, de cohésion sociale et de responsabilité environnementale.
Des coopérations peuvent être développées avec les Fidji, Samoa ou Tonga — pays majoritairement anglophones et austronésiens, mais dont de nombreux joueurs évoluent dans les clubs français (Top 14 et Pro D2, tels que le Stade Français, l’Union Bordeaux Bègles ou la Provence Rugby). Ces joueurs, ayant appris le français, pourraient devenir à leur tour piliers de la Francophonie et promoteurs de ses valeurs institutionnelles et normatives, favorisant un transfert de compétences et un dialogue interculturel au sein de l’espace francophone et Indopacifique.
Cette dynamique internationale pourrait inspirer des initiatives dans les DROM-COM, où la pratique du rugby reste encore peu structurée.
Le rugby, levier de cohésion et de droit dans les DROM-COM
Dans les DROM-COM de l’Indopacifique, le rugby peut constituer un outil de développement local et de cohésion sociale, favorisant le respect des droits fondamentaux des jeunes et des communautés traditionnelles. Redynamiser les clubs, former des entraîneurs et organiser des compétitions locales représente un levier de discipline, de solidarité et de citoyenneté, tout en contribuant à la formation et à l’émancipation des populations locales.
Vers un Livre blanc de la Francophonie sportive
À l’image du Livre blanc de la Francophonie scientifique élaboré par l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), il serait opportun de concevoir un Livre blanc de la Francophonie sportive. Alors que l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) avait publié en 2023 un rapport sur le sujet, celui-ci demeure incomplet : faible participation, diversité régionale insuffisamment prise en compte et approche normative trop prescriptive. Un tel outil permettrait de structurer les pratiques sportives, de renforcer les échanges Sud-Sud et Est-Ouest, et de positionner le sport comme vecteur stratégique du rayonnement culturel, éducatif et économique de la Francophonie.
Le rugby comme instrument de droit et de diplomatie
Au-delà des victoires et des titres, le rugby malgache est un outil de développement humain et de promotion des droits fondamentaux, social, culturel, économique et diplomatique. Il illustre comment sport, société et culture peuvent se conjuguer pour construire un projet collectif et renforcer la Francophonie. Soutenir le rugby malgache, c’est soutenir une Francophonie inclusive, structurée et innovante, capable d’inspirer d’autres nations et de renforcer le dialogue entre continents et cultures.