Pape Diouf nous a quitté, victime du coronavirus. Agé de 68 ans, sa disparition est prématurée car il avait encore beaucoup de projets à réaliser. Nous étions ensemble à la mi-février à notre cabinet pour des souhaits d’enseignement de droit du sport à Dakar et nous rendre ensemble à un colloque à l’Université Dély Ibrahim à Alger prochainement.
Tout me prédestinait à le rencontrer : service militaire à Dakar, puis coopérant à Alger, diplômé de droit africain de l’Université de Paris et journaliste à Africascope, magazine où j’avais bien connu Manu Dibango, le musicien camerounais, victime lui aussi du coronavirus. Vous l’aurez compris, une grande passion pour l’Afrique. Nous nous rencontrons en 1987 dans une salle de boxe où il venait faire avec un confrère un reportage pour le journal La Marseillaise. Véritable coup de foudre réciproque sur les thèmes de l’Afrique et des Africains. Quelques jours après, avec la promesse de se retrouver, il me téléphone pour rencontrer un ami africain. Surprise ! Me voilà face à Joseph-Antoine Bell capitaine de l’Olympique de Marseille, et nous créerons ensemble l’Association des footballeurs français d’origine étrangère pour la défense de leurs droits. Nous serons vite confrontés à un projet de réglementation sur les joueurs naturalisés et non-sélectionnables. Nous avons dénoncé ces mesures à Paris lors d’une conférence de presse musclée en Avril 1989, en n’hésitant pas à utiliser le vocable de « vrais faux français » qui eut un large écho dans les médias. Notre revendication aboutira à l’abandon du projet.
Le ciment avait pris pour devenir inséparables et envisager la prise en main du destin des footballeurs venus d’Afrique, managés par des agents français. Joseph-Antoine Bell martelait : « il faut que nous soyons capables de gérer nos carrières entre nous, entre africains ». Pape laissait passer ses sentiments, très nationalistes, tout à fait légitimes qui correspondaient au slogan mille fois répété « l’Afrique aux Africains ». Pape Diouf par sa taille, son parler, présentait une autorité naturelle voir imposante dans ses propos revendicatifs. Mais, journaliste sportif, que pouvait-il faire ? Il n’avait pas la qualité d’agent. Qu’à cela ne tienne, nous allons le préparer à l’examen et tous les dimanches soirs à mon cabinet, il révisait son droit avec mon fils Michel. Michel dépose en juillet 1988 les statuts de Mondial Promotion avec l’objet d’ « ouvrir, offrir un plan de carrière ainsi que des facilités pour les demandes de jeunes sportifs africains et la gestion de leur carrière ». Le feu était allumé, il ne demandait plus qu’à s’embraser. Pape devenait le premier agent africain et rapidement de jeunes joueurs les frères Boli, François Omam-Biyik, Henri Camara et bien d’autres se mettaient sous son aile. Pape était content, l’Afrique comptait un des siens pour défendre ses joueurs, promouvoir leur carrière. Il me restait le contentieux, pour la défense des plus grandes stars du football, Joseph-Antoine Bell, Marcel Desailly , Abédi Pelé…La diaspora africaine gonflait les rangs de sa clientèle à laquelle s’ajoutent d’autres joueurs, tels Grégory Coupet, Bernard Lama, Xavier Gravelaine…
Mais il restait un autre combat, celui des quotas, mesure discriminatoire s’il en était. Pape Diouf, arrivé « bien en cour », soucieux de placer au mieux ses poulains dans les clubs, ne voulait pas trop aller à la bagarre avec les présidents de clubs. Ce combat, mon fils Michel le mènera avec la basketteuse Lilia Malaja dont le résultat fut, d’après les paroles du Président de la FIFA, « l’arrêt Malaja, un arrêt Bosman à la puissance dix ». Ce qui ravit d’espoir Pape, voyant là de nouvelles opportunités pour « placer » ses joueurs dans les clubs européens.
Au printemps de l’année 2004, Pape nous annonce son arrivée à l’OM en qualité de directeur sportif puis il deviendra président du club. Nos liens se sont distendus après des années d’une riche et fructueuse collaboration. Avec son départ de l’OM en juin 2009, nous nous retrouvions régulièrement avec de nouveaux projets. La mort l’a frappé avant leur réalisation. Il nous restera l’image d’un homme, parfois intransigeant, avant tout soucieux des hommes de son continent. Africain self-made-man, arrivé au sommet du football français à partir de l’idée des sportifs africains aux Africains. Victime de son propre succès, Pape aimait dire « je suis le seul président noir d’un club en Europe ».
Pari gagné pour celui qui deviendra aussi expert sur les paris sportifs pour le football pour l’Officiel des paris en ligne au PMU. Pour ceux, nombreux qui ont connu Pape, il laisse le souvenir d’un homme remarquable, un professionnel rigoureux, ouvert aux autres et fidèle à lui-même pour la promotion et la défense des joueurs africains. Adieu Pape, tu étais une bonne semence. Repose en paix dans cette terre africaine qui t’es si chère.
Maître Serge Pautot, Avocat à Marseille, Compagnon « historique » de Pape Diouf.