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L’avis de Me Michel Pautot sur l’arrêt European Superleague Company

« LE PROTECTIONNISME VOLE EN ECLATS AVEC L’ARRET DE LA COUR DE JUSTICE »

A la suite de l’arrêt rendu le 21 décembre 2023 par la Cour de Justice de l’Union européenne dans l’affaire C-333/21 (European Superleague Company), Maître Michel Pautot, avocat au barreau de Marseille, avocat à l’origine de l’arrêt Malaja a aussitôt réagi :

« Avec la décision rendue par la Cour de Justice, l’UEFA va être amené à annoncer très rapidement un nouveau format de compétitions au niveau européen.

L’affaire soumise à la Cour de Justice de l’Union européenne concernait le nouveau projet de compétition dans le football, la Superleague. Il s’agit d’une nouvelle compétition, impliquant douze à quinze clubs de football professionnel ayant le statut de « membres permanents » et également un nombre à définir de clubs de football professionnel ayant le statut de « clubs qualifiés » et devant être sélectionnés selon un processus déterminé. Beaucoup avaient manifesté leur désaccord, dont des Chefs d’Etat et de gouvernements.

1-La Cour ne se prononce pas sur le projet de Superleague

La Cour de Justice précise que « la juridiction de renvoi n’interroge pas la Cour sur l’interprétation en vue de se prononcer, dans un sens ou dans un autre, sur la compatibilité du projet de Superleague lui-même avec les différents articles du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne ».

Le communiqué de presse précise qu’ « une compétition telle que le projet de Superleague ne doit pas pour autant être nécessairement autorisée. En effet, la Cour étant interrogée de façon générale, sur les règles de la FIFA et de l’UEFA, elle ne prend pas position dans son arrêt sur ce projet spécifique ». 

2-La Cour réaffirme certaines règles sur la concurrence au niveau de l’Union européenne

La Cour de Justice a été saisie de diverses questions préjudicielles relatives aux règles de concurrence posées par le Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne. Elle a rappelé certaines règles à la concurrence qui ne peuvent pas être ignorées. 

Les règles de la Fédération internationale de football association (FIFA) et de l’Union des associations européennes de football (UEFA) soumettant à leur autorisation préalable la création de tout projet de nouvelle compétition de football interclubs, et interdisant aux clubs et aux joueurs de participer à celle-ci, sous peine de sanctions, ont été déclarées illégales au regard de certains principes du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne.

Article 101

L’article 101 du Traité pose pour principe que « sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur… ».

La Cour a notamment estimé : « L’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que constitue une décision d’association d’entreprises ayant pour objet d’empêcher la concurrence le fait, pour des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, d’avoir adopté et de mettre en œuvre, directement ou par l’intermédiaire des associations nationales de football qui en sont membres, des règles subordonnant à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, d’une nouvelle compétition de football interclubs par une entreprise tierce, et contrôlant la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à une telle compétition, sous peine de sanctions, sans que ces différents pouvoirs soient encadrés par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné ».

Article 102

« Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci… », énonce notamment l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

La Cour de Justice a notamment jugé que   « l’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens que constitue un abus de position dominante le fait, pour des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, d’avoir adopté et de mettre en œuvre des règles subordonnant à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, d’une nouvelle compétition de football interclubs par une entreprise tierce, et contrôlant la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à une telle compétition, sous peine de sanctions, sans que ces différents pouvoirs soient encadrés par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné ».

3-Le protectionnisme vole en éclats

La Cour de Justice n’a pas abordé la question de la compatibilité de la Superleague avec les principes du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne mais l’apport de l’arrêt est grand : la Cour fait voler en éclats le protectionnisme. La Cour est parfaitement claire : certains points des règlements des fédérations concernées (Fifa et Uefa) ne sont pas conformes au droit de la concurrence de l’Union européenne.

Rappelons que ce droit de la concurrence est un pilier de la construction européenne, comme celui de la libre circulation des travailleurs. En gros, le Marché Commun est supposé garantir une concurrence libre, loyale et non faussée et il ne doit pas y avoir d’abus de position dominante. C’est ce qu’a rappelé la Cour, les règlements ne sont pas conformes à ce droit de la concurrence et la Cour a très clairement censuré les fédérations qui ont imposé le fait de demander une autorisation préalable pour créer une nouvelle compétition et qui ont menacé de sanction ceux qui iraient vers le projet de nouvelle compétition. Le protectionnisme a volé en éclats  ».

*Me Michel Pautot est auteur d’une thèse de doctorat en droit sur « le sport et l’Europe » et avocat à l’origine de l’arrêt Malaja

Contact : Me Michel Pautot / Mail : legisport@wanadoo.fr