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« L’accord européen du 21 Juillet 2020 : une première victoire », estime Monique Beltrame (Comité européen)

La détermination fut le fil conducteur du Président de la République durant ce difficile mais indispensable accord pour la pérennité de l’Union Européenne. Nul n’a oublié la marche solennelle d’Emmanuel Macron le soir de son élection, traversant, seul et à pied, l’esplanade du Louvre. Il endosse le destin de la France au son majestueux du dernier mouvement de la 9° symphonie de Ludwig van Beethoven, où explose l’Ode à la joie dont le thème est l’hymne européen. Il y a des moments clefs dans l’histoire mais il faut l’engagement d’hommes qui les préparent et qui prennent la responsabilité de les réaliser. Aux commandes de l’Europe des femmes d’exception portent le projet européen. Ursula von der Leyen, la Présidente de la Commission Européenne, a déjà fait sauter au début de la pandémie des verrous en obtenant l’utilisation du mécanisme européen de stabilité sans contrepartie de mise sous tutelle financière. Elle soutient Angela Merkel, indirectement visée à travers l’arrêt du Tribunal constitutionnel de Karlsruhe, hostile à la politique de solidarité financière mise en place par la BCE. Face à la violence des tensions la Chancelière réalise que l’UE est en danger.

Le 18 mai 2020 Emmanuel Macron voit enfin ses 3 années d’efforts porter leurs fruits : Angela Merkel décide de tout risquer face à son opinion publique en lâchant la pression sur l’orthodoxie budgétaire. Elle affronte le club des pays « frugaux » pour sauver l’Europe du risque d’une dislocation en acceptant un plan de relance de 750 milliards d’Euro.

L’accord conclu lors du  Conseil Européen mardi 21 juillet à l’aube mérite d’être qualifié d’historique. Il réclame un peu d’enthousiasme de la part des citoyens européens, un peu de hauteur dans la prise en considération des multiples problèmes quotidiens et la conscience des promesses d’avenir.

Le Plan de relance

Cet accord permet d’injecter 750 milliards d’euros dans l’économie européenne en trois ans, c’est-à-dire environ 1 % du PIB. Pour la première fois de son histoire, l’Union européenne s’endettera à hauteur de 750 Milliards d’€, somme garantie par les 27, remboursable communément d’ici à 2058. 390 milliards seront donnés sous forme de subventions aux États membres les plus économiquement affaiblis par la crise. 360 milliards seront répartis sous forme de prêts au taux préférentiel le plus bas dont bénéficie l’UE. Cet emprunt inédit et non prévu par les traités est une première, expression d’une solidarité européenne nouvelle, vivante et réelle qui oriente la politique européenne vers un engagement communautaire et non une addition d’intérêts nationaux. Ainsi l’Italie et l’Espagne bénéficient-elles respectivement de 80 et 70 milliards d’Euro de subventions et si les « radins » rechignent encore, ils sont au moins liés par un endettement sur 30 ans qui traduit leur volonté de rester finalement ensemble !

Certes conclu aux forceps après quatre jours et quatre nuits d’âpres négociations, cet accord, a ouvert le passage – scénario inimaginable il y a quelques semaines – vers une fédéralisation financière et fiscale. En effet, pour ce faire, Ursula Von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, prévoit, pour alléger le remboursement de l’emprunt, de doter l’UE de nouvelles sources de revenus. Dans la panoplie fiscale on retiendra une taxe sur le plastique non-recyclé dès 2021 ainsi que l’instauration d’un « mécanisme carbone d’ajustement aux frontières » et un impôt pour les géants du numérique. De plus le principe de l’unanimité qui a bloqué dans le passé toute initiative dans ce sens, sera probablement le prochain verrou visé à réformer. Déjà pour permettre la réalisation de ce gigantesque programme la France et l’Allemagne ont exigé que les multiples décisions administratives, financières et économiques, nécessaires à la mise en œuvre de ce plan, soient prises à la majorité qualifiée.

Un compromis

Cet accord est comme tout accord le résultat d’un compromis. La réussite réclame une entente sur le principes. La France bénéficiera de 40 milliards d’€. Si le couple franco-allemand a imposé son autorité et obtenu que le droit de veto soit exclu des négociations qui vont suivre, il en va de la crédibilité de la France et de la réussite européenne si les Français ne mettent pas fin aux invraisemblables agitations sociales face à ceux qui ont un budget en équilibre mais partent à la retraite à 67 ans. Ces troubles hautement médiatisés ont un coût pour notre pays. Pour faire sauter le pas, la France et l’Allemagne ont fait des concessions aux récalcitrants. Pays-Bas, Autriche, Suède, Danemark ont marchandé leur ralliement et ont obtenu la baisse du montant des subventions (de 500 à 390 milliards) et une hausse des rabais dont ils bénéficient sur le budget européen. A l’Est, la Pologne et la Hongrie ont tout fait pour éviter que ce plan ne soit l’occasion d’instaurer un lien entre le respect de l’État de droit et l’accès aux fonds européens.

Le Président du Parlement Européen David Maria Sassoli n’a pas caché sa déception. Il a annoncé qu’il soumettrait aux eurodéputés la question du respect de l’État de droit et des rabais au budget européen – héritage de la Grande-Bretagne.

Malgré ces compromis regrettables mais incontournables pour obtenir l’unanimité, le plan de relance est une réussite extraordinaire. Il vise à modifier profondément le cadre de décision intergouvernementale de la construction européenne qui s’est imposé depuis le rejet d‘une constitution pour l’Europe à partir de 2005 et a conduit l’UE dans l’impasse du souverainisme. Ce plan pourra devenir un instrument fédéral d’intégration mais il faudra réformer les Traités… à l’unanimité. Un nouveau combat s’annonce et ne pourra être gagné que si les responsables élus sont soutenus par leur opinion publique. Ce sera alors un bond gigantesque qui finira par ouvrir la porte à l’Europe-puissance qui nous fait si cruellement défaut.

Le 30 Juillet 2020

Monique BELTRAME

Présidente du Comité européen Marseille