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Sport et Politique : entretien avec Denis Masseglia, Président du CNOSF

Dans le numéro 127 (septembre-octobre 2017), LEGISPORT s’est intéressé à : « Sport et Politique : qui gouverne ? ». Un numéro qui fera date.

 A son retour triomphal de Lima (Pérou), où le Comité International Olympique a officiellement attribué à Paris, le 13 Septembre 2017, l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, Denis Masseglia, Président du Comité National Olympique et Sportif a bien voulu nous accorder cet entretien.

 Le Président Masseglia évoque le modèle sportif français, le rôle de l’Etat, celui du mouvement sportif ainsi que l’évolution du sport face aux lois du marché. Qui gouverne ? Qui détient le pouvoir ?


Question 1 : Une valeur durable de la culture sportive est l’apolitisme (selon l’expression du sociologue Jacques Defrance). Le mouvement sportif qui est regroupé et représenté au sein du Comité National Olympique et Sportif que vous présidez doit-il être considéré comme apolitique ?

 Réponse : Il est apolitique en ce sens qu’il rassemble les personnes au-delà de leurs opinions politiques. Il n’a pas non plus à intervenir de manière partisane sur le plan politique. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’en fasse pas car toute relation avec d’autres institutions, notamment publiques, fait forcément intervenir un peu de politique. Et puis, faire du sport est un enjeu pour la France. Le sport est une richesse à partager, ensemble. Nous pouvons lui donner les moyens d’être bénéfiques pour tous.

Question 2 : Pourtant rien ne peut être entrepris pour le développement du sport sans l’aide de l’Etat qui, au fil des années, s’est accaparé le champ de l’activité sportive qui, à l’origine, est née d’initiatives privées ?

 Réponse : L’aide financière de l’Etat est relativement faible comparativement à l’aide des collectivités territoriales et c’est aussi d’aide publique dont il s’agit. L’Etat devrait accepter que les politiques publiques du sport résistent aux différentes alternances. Ce serait là la garantie de la continuité des politiques publiques du sport.

Question 3 : D’ailleurs, si l’on se penche sur le budget du CNOSF, on se rend compte que l’aide financière de l’Etat est fondamentale, sinon le CNOSF sans les moyens financiers étatiques pourrait-il poursuivre ses missions et ambitions, car le sport est florissant dans notre pays et il aide à vivre mieux ?

 Réponse : L’aide publique représente environ 40% du budget du CNOSF. L’Etat prend aussi en charge les coûts des délégations sportives lors des grands événements type jeux Olympiques. Dans les autres pays il y a aussi des aides publiques sans pour autant que la présence étatique dans la gouvernance du sport soit aussi prégnante qu’en France.

Question 4 : Face à cette « nationalisation du sport », pensez-vous que la «marchandisation» du sport, selon ce qualificatif peu harmonieux, puisse devenir un substitut heureux au développement du sport ou simplement l’occasion pour les grandes organisations sportives de réaliser une bonne opération financière grâce aux recettes TV en particulier ?

 Réponse : Les pays les plus performants tant sur, le plan du haut niveau que de l’ensemble des pratiques, sont ceux où il y a un vrai partenariat entre Etat et mouvement sportif, avec un financement public affirmé, dont une partie est confiée au mouvement sportif. Le sport fait partie des activités humaines, il ne peut échapper à la loi du marché. Pour autant, les actions d’intérêt général que mène le mouvement sportif ne sauraient être mises en œuvre sans financement public.

Question 5 : L’inégalité des clubs engendrée avec ce « business sport » peut-elle être corrigée par l’Etat, mais par quels moyens ?

 Réponse : Ce n’est pas le rôle de l’Etat d’intervenir à ce niveau, notamment pour les clubs professionnels. L’Etat a d’abord un rôle de régulation et de contrôle. Il ne peut pas et ne doit pas tout faire.

Question 6 : La campagne électorale pour les présidentielles est à présent très largement terminée, mais avez-vous relevé dans les programmes des divers candidats des propositions intéressantes, à moins que ce ne soit vous qui les ayez interpelés, et sur quels souhaits ?

Réponse : La question du modèle sportif français est centrale. Notre modèle garantit un très bon niveau de performance et de développement. Pour autant, il ne nous permet pas d’imaginer faire mieux tel quel. Il est trop figé, trop vertical et budgétivore, il faut le revoir dans son ensemble.

Question 7 : Paris 2024 est devenue une réalité grâce à toute l’équipe que vous avez su constituer autour de vous sur ce projet exceptionnel. La diplomatie sportive française a-t-elle été mise à contribution ?

Réponse : Le CNOSF a joué un rôle essentiel. C’est lui qui a initié la candidature, proposé que le leadership soit assuré par Bernard Lapasset, œuvré pour que Tony Estanguet soit membre du CIO et assuré sa part de travail dans la promotion notamment. La victoire est collective et l’Equipe s’est construite autour des représentants du mouvement sportif. Sans cela il n’y aurait pas eu l’unité, ciment indispensable et reconnu, de Paris 2024. Tous les acteurs y ont contribué, y compris ceux de la diplomatie sportive.

Question 8 : Dans l’ouvrage « Le sport, c’est bien plus que du sport ! », à la dernière question de Pascal Boniface « Aurais-tu un rêve pour le CNOSF ? », vous avez répondu : « Comment ne pas rêver qu’on puisse un jour, nous aussi inspirer une génération à travers l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques ? C’est tellement fort, tellement puissant ! Ce serait tellement bien pour tous ceux qui croient à l’humanisme du sport ». Votre vœu vient d’être exaucé !

Réponse : Oui, je suis comblé. Il est tout à fait remarquable que cette candidature, initiée et pilotée par le mouvement sportif, ait pu aller jusqu’au succès. C’est la preuve que de grandes et belles choses peuvent se faire pour peu que l’on fasse confiance. Paris 2024 a montré la voie, le président de la République l’a confirmé, l’organisation actuelle du sport français a vécu. Il est temps de passer à une autre forme et d’imaginer un modèle à gouvernance partagée avec des responsabilités réparties.

Cet entretien a été publié dans le numéro 127 de LEGISPORT.

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