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Syndicalisme sportif : entretien avec Michel Hidalgo, ancien sélectionneur des Bleus

Dans le numéro 104 (novembre-décembre 2013), LEGISPORT s’est intéressé à : « A quoi sert le syndicalisme sportif ? ». Un numéro qui fera date.

 Nous avons rencontré à Marseille Michel Hidalgo, ancien Président de l’Union Nationale des Footballeurs Professionnels et sélectionneur de l’équipe de France de football pour évoquer les premières années du syndicalisme dans le football.

Michel Hidalgo est une légende du football. Champion de France (en 1955 avec le Stade de Reims et en 1961 et 1963 avec l’AS Monaco). Il a inscrit un but lors de la 1ère finale de la Coupe d’Europe des Clubs Champions pour Reims contre le Réal Madrid.  Son parcours d’entraîneur/sélectionneur de l’équipe de France de football est exceptionnel. Il a qualifié la France pour les Coupes du Monde Argentine 1978 et Espagne 1982 (la France y termine 4ème après le match homérique en demi-finale contre l’Allemagne) et remporte avec panache le Championnat d’Europe de football en 1984.

Michel Hidalgo a également marqué de son empreinte le football en qualité de Président de l’Union des Footballeurs Professionnels. Pour le jeune Président qu’il était, défendre la liberté du joueur était primordiale et il a réussi.

 Question : Tout d’abord, comment est né le Syndicat des Joueurs Professionnels ?

Réponse : En 1961, Eugène N’Jo Léa, footballeur stéphanois et étudiant en droit à Lyon avait contacté Just Fontaine pour créer un syndicat des joueurs professionnels. L’idée était de lutter contre le statut du joueur qui était enfermé dans un état de dépendance totale jusqu’à 34 ans. Impossible pour les joueurs de changer de club sans l’avis de leurs dirigeants qui étaient les maîtres absolus. Raymond Kopa avait lancé en Juillet 1963 un cri d’alarme dans un entretien à France Dimanche : « les footballeurs sont des esclaves ». Il fut d’ailleurs suspendu six mois pour avoir tenu ces propos.

Question : Mais le contrat à vie a été abandonné sous votre Présidence ?

Réponse : Je suis devenu Président de l’UNFP en 1965 à la faveur de la démission de Just Fontaine. J’étais de passage à Paris justement au siège de l’UNFP. On cherchait un président, « pourquoi pas toi ? » me dit-on à l’époque. L’idée de me mettre au service des joueurs m’a séduit. J’ai accepté cette responsabilité. Mon grand combat a donc été celui du contrat à temps dans lequel je vais me trouver impliqué. Ce fut le grand chantier de ma Présidence.

Question : Vous preniez conscience de la fragilité de la carrière des footballeurs ?

Réponse : Je n’avais pas adhéré à l’UNFP à sa création. Mais je me suis vite rendu compte qu’à la tête de l’UNFP, il fallait donner aux joueurs les moyens de guider leurs carrières, de les orienter, alors qu’elles étaient totalement dans les mains de leurs dirigeants. Nous avons mené ce combat en douceur en raison du poids des menaces dans les négociations avec les autorités. Combien de fois Jean Sadoul, Président du Groupement du football professionnel (l’ancêtre de la Ligue de Football Professionnel) tente de nous attendrir en disant qu’avec le contrat à temps, nous voulions la mort des clubs. Les dirigeants pensent qu’ils vont perdre ce qui représente leurs ressources principales : les ventes des joueurs. Il va falloir huit ans de négociations pour parvenir en Juin 1969 à ce « contrat à temps » et les joueurs du monde entier ont salué notre victoire historique.

 Question : « Mai 68 » a-t-il eu une incidence sur le football ?

Réponse : En 1968, les évènements de Mai ont permis de mettre une nouvelle fois sous les projecteurs notre revendication. Le 22 Mai, des professionnels vont séquestrer le personnel de la Fédération Française de Football et accrocher sur la façade de la Fédération « le football aux footballeurs ». Un an après, le contrat à temps sera mis en place. Avec ce nouveau système, un jeune joueur professionnel s’engage pour une durée de quatre ans et il est libre ensuite de continuer au club ou d’aller ailleurs. C’est une très grande victoire car le contrat à temps régit aujourd’hui le monde du football.

Question : Y a-t-il eu d’autres mouvements de contestation après votre Présidence ?

 Réponse : Sur cette victoire du contrat à temps, l’UNFP va se développer et c’est Philippe Piat qui m’a remplacé. Mais des contestations vont naître contre le contrat à temps, notamment les membres du Groupement. C’est ainsi qu’en Février 1971, une grève est déclenchée par l’UNFP et les footballeurs vont une nouvelle fois obtenir gain de cause. Le contrat à temps ne sera pas remis en cause.

Question : Après l’UNFP, vous voilà à la Fédération Française de Football ?

Réponse : Après avoir été une période entraîneur à l’Etoile Sportive de Menton puis à l’équipe CFA de Monaco, Georges Boulogne fait appel à moi à la Direction Technique Nationale de la Fédération Française de Football. Ce dernier est conscient du retard accumulé par notre football. Avec le directeur des sports au Ministère Crespin, Georges Boulogne va jeter les bases d’une nouvelle organisation dont je vais faire partie : formation des cadres et détection des jeunes talents. Ma vision du football va se trouver une nouvelle fois élargie.

Cet entretien a été publié dans le numéro 104 de LEGISPORT.

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